Glaucus Atlanticus
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Nom scientifique : Glaucus atlanticus |
Glaucus atlanticus, parfois appelé glaucus atlantique ou francisé en glauque dans les publications anciennes, est une petite espèce de nudibranches de la famille des Glaucidés. C'est un mollusque gastéropode décrit comme élégant par ses formes et ses couleurs, mêlant le blanc et le gris perle à différents tons de bleu. Il vit dans toutes les eaux tempérées ou tropicales, où il flotte à la surface des eaux parmi le pleuston, la face ventrale tournée vers la surface. Il se nourrit principalement d'hydrozoaires dont il tire son pouvoir urticant, y compris pour l'Homme, en conservant certains de leurs nématocystes. Glaucus atlanticus est hermaphrodite et pond des chapelets d'œufs laissés à la dérive ou fixés sur les cadavres des proies des adultes. Au cours du xixe siècle, plusieurs grands naturalistes l'ont décrit en désignant par de nombreux noms scientifiques différents chacune des formes, mais les études plus récentes ont conclu à la synonymie de l'ensemble de ces noms. G. atlanticus est très proche de Glaucus marginatus, l'unique autre espèce du genre Glaucus et de la famille — dans l'acception la plus stricte de cette dernière. Il peut occasionnellement s'échouer sur les plages parmi le reste du pleuston, et peut causer des irritations à l'humain en cas de contact. L'espèce ne semble pas menacée, et ne bénéficie d'aucune protection particulière. | |
Description - Aspect exterieur | |
« Le charmant animal qui forme [le genre Glaucus] a dû frapper tous les naturalistes navigateurs, par la grâce de ses formes, et par l'éclat et l'agréable assortiment de ses couleurs. » — Georges Cuvier, 18051 Ce nudibranche mesure de 3 à 4 centimètres de long, mais peut atteindre 6 centimètres. Il a un corps effilé et aplati, comptant jusqu'à 84 cerata coniques, dont l'animal peut facilement se débarrasser par autotomie grâce aux sphincters présents à la base de chacune de celles-ci. Ces cerata sont rassemblées sur une même rangée, en rayons, et généralement en six groupes, parfois huit. Ces groupes sont implantés de façon perpendiculaire à la ligne médiane du corps, et le plus antérieur est relié au corps par un court pédoncule ; les cerata les plus dorsales sont les plus grosses. Son allure générale et sa « queue » (le métapodium) lui ont valu d'être comparé par plusieurs naturalistes à un petit lézard et sa peau est décrite par George Grey comme rappelant celle d'une grenouille. La tête est petite et peu distincte, munie d'une paire de tentacules oraux et d'une paire de tout petits rhinophores coniques sur la face dorsale. Cette limace de mer se déplaçant face ventrale vers le haut grâce à une bulle d'air contenue dans l'estomac, sa coloration est conforme à la loi de Thayer dont il serait un « cas d'école » : la face inférieure de l'animal — dos et face supérieure des cerata — est gris argenté, tandis que le dessus — pied et face inférieure des cerata — est bleu électrique, ou bleu et blanc, notamment parcouru de bandes bleu sombre le long du pied. | |
Description - Anatomie | |
Les organes sensoriels de G. atlanticus sont très peu développés, ce qui n'est « pas [surprenant] chez un mollusque pélagique flottant sans but à la surface des eaux » selon Albert Vayssière. Les yeux, ou taches oculaires, sont de minuscules vésicules mesurant 15 µm de diamètre14, et constituées d'un corps réfringent avec quelque pigment. L'appareil auditif est composé de vésicules jaunes deux fois plus grosses que celles de l'appareil oculaire, les otocystes. La bouche est ovalaire, avec une ouverture verticale et pourvue de deux mâchoires cornées9. La radula est composée par 11 à 20 dents cuspidées, munies d'une pointe centrale bordée de denticules, de deux à dix, pointus ou courbes. L'ensemble forme donc une lame crénelée, de formule dentaire. Valdés et Campillo rapportent également en 2004 un individu sans denticules, aux dents lisses simplement munies de la pointe centrale, mais sans autres différences anatomiques avec les autres spécimens, faisant penser à une simple variabilité intra-spécifique18. Le tube oral est très chitinisé19. Louis Souleyet décrit l'estomac comme « une vaste poche qui se prolonge, en se rétrécissant, jusqu'à l'extrémité postérieure de la cavité viscérale ; mais cette poche, au lieu de donner naissance latéralement à un certain nombre de canaux hépatiques, comme dans les [genres proches], envoie des prolongements dans les appendices qui supportent les cirres branchiaux [les cerata], et c'est dans ces prolongements que viennent aboutir les ramifications hépatiques »20. Les cerata servent donc non seulement à agrandir la surface d'échange du système digestif, mais le sang y circulant également, elles servent à l'oxygénation. Le pore rénal (ou néphroprocte), le pore génital et l'anus sont situés sur le côté droit de l'animal ; le premier sur la face dorsale, les autres sur la face ventrale. Le système reproducteur est diaulique (les conduits mâle et femelle sont séparés) et les orifices débouchent tous deux au pore génital19. Comme nombre d'opistobranches, G. atlanticus possède un pénis rétractile muni d'une épine chitineuse, d'environ 250 µm de long, aidant au maintien en position lors de la copulation ; le vagin est grand et musculeux. | |
Description - Espèce similaire | |
G. atlanticus ne peut guère être confondu qu'avec Glaucus marginatus. Il en diffère par la taille, G. marginatus ne mesurant pas plus de 12 mm de long, et par la longueur du métapodium, bien plus courte chez G. marginatus. Le nombre de cerata est plus important chez G. marginatus qui en compte jusqu'à un total de 137 ou 139 ; celles-ci sont de plus disposées en plusieurs rangées et souvent sur huit appendices au lieu des six habituels de G. atlanticus21,22. Le pénis de G. marginatus n'est pas « armé », c'est-à-dire qu'il ne possède pas d'épine chitineuse. La pointe des dents est proportionnellement plus longue chez G. marginatus ; les petits denticules présents sur les bords des mâchoires sont répartis sur une ou deux rangées chez G. marginatus, alors qu'ils sont plus irréguliers et disposés sur plus de rangées chez G. atlanticus. | |
Ecologie et comportement - Alimentation | |
G. atlanticus se nourrit d'autres organismes pélagiques plus grands que lui, consommant les tentacules d'hydrozoaires qui flottent, comme lui, à la surface des océans (pleuston) et qui forment ce que le biologiste marin Alister Hardy avait décrit sous le nom de « The Blue Fleet » (« la flotte bleue ») ; trois types d'espèces urticantes composent ce groupe : les physalies (Physalia physalis et Physalia utriculus), les vélelles (Velella velella et Velella lata) et la porpite (Porpita porpita)26,27,3. G. atlanticus peut se fixer à ses proies à l'aide de ses mâchoires chitineuses ; ses cerata ne lui sont alors d'aucune utilité et la seule succion lui suffit à maintenir sa proie. Il s'en prend aussi aux janthines (Janthina janthina), gastéropodes dont le mode de vie est semblable au sien. Il se livre parfois aussi au cannibalisme, lorsque l'occasion se présente. | |
Ecologie et comportement - Statégie de défense | |
G. atlanticus tire son pouvoir urticant des hydrozoaires dont il se nourrit. Cette réutilisation à des fins défensives d'éléments issus d'une proie par un carnivore est parfois nommée « oplophagia », du grec ancien ?p??? (hóplon) signifiant « arme »30. G. atlanticus est immun vis-à-vis des toxines et stocke les nématocystes dans des sacs spécialisés : les cnidosacs, répartis sur le corps mais aussi dans les cerata, où ils se déplacent lentement de la base jusqu'à l'extrémité. Thompson et Bennett ont étudié des spécimens de G atlanticus et G. marginatus des eaux australiennes et concluent que ce sont les nématocystes sphériques des physalies qui sont préférentiellement stockés. Ceux des porpites et des vélelles sont plus rarement utilisés, le plus souvent détruits par la glande digestive, comme chez Cratena pilata31. Parmi les trois types d'hydrozoaires que G. atlanticus consomme, les physalies sont les seules qui peuvent infliger des dégâts à l'humain. | |
Ecologie et comportement - Reproduction | |
Comme beaucoup de limaces de mer, G. atlanticus est hermaphrodite et chaque individu possède simultanément les organes reproducteurs mâle et femelle, mais ne peut s'auto-féconder. Contrairement à la plupart des nudibranches qui s'accouplent tête-bêche en accolant leurs côtés droits, chez G. atlanticus les deux partenaires se reproduisent face à face en accolant leurs faces ventrales. En plus du crochet pénien, les cerata semblent jouer un rôle dans le maintien des individus l'un contre l'autre. Par la suite chacun d'eux pondra des œufs entourés de mucus, sous forme de chapelets pouvant dépasser 17 millimètres de long et comptant de 10 à 36 œufs. Ceux-ci sont abandonnés à la dérive en pleine mer, parfois placés sur les carcasses des proies des adultes. Les œufs mesurent 60 à 75 µm de large et 75 à 97 µm de long. Les œufs commencent à se diviser quelques heures après la fécondation, si la température de l'eau atteint 19 °C. Après 48 à 60 h de développement, une larve trochophore éclot ; elle deviendra une larve véligère au bout de trois jours. Cette dernière porte une coquille larvaire qui, d'abord ovoïde, devient enroulée 11 jours après l'éclosion. La larve véligère quittera alors le chapelet d'œufs pour entreprendre une vie libre. | |
Ecologie et comportement - Parasites | |
Bergh reporte en 1864 que les spécimens qu'il a disséqués étaient parasités par des trématodes d'une espèce qu'il nomme Distomum glauci, très proche selon lui de Hemiurus appendiculatus (alors Distomum appendiculatum), et mesurant jusqu'à plus d'un millimètre. L'espèce D. glauci n'est aujourd'hui pas reconnue et ces vers sont considérés comme les larves de trématodes de la famille des Hemiuridae sans plus de précision. | |
Répartition, habitat et locomotion | |
C'est une limace de mer pélagique, qui se rencontre en eaux tempérées et tropicales, tout autour du monde. Elle a été recensée dans tous les grands océans, Atlantique, Pacifique et Indien, dans le golfe du Mexique, la mer des Caraïbes ou encore la Méditerranée. Il se déplace toujours à la surface et de manière assez passive, allant là où les vents et les courants l'emportent44. Alcide d'Orbigny le décrit comme extrêmement lent, apathique, ne se déplaçant que d'une dizaine de centimètres en cinq minutes ; Reinhardt le dit « extrêmement paresseux et léthargique » ; Savilov l'observe se servant de ses papilles pour avancer vers les vélelles. Les grands déplacements au moins sont passifs47, mais la limace étant susceptible de se déplacer par ses propres mouvements, il n'est pas totalement déterminé si elle appartient au plancton à la dérive ou si elle est un invertébré aux mœurs pélagiques. | |
Taxinomie et classification - Premières descriptions | |
Taxinomie et classification - Approfondissement des études et descriptions de nouvelles formes | |
Glaucus Atlanticus et l'Homme | |